Venir vous baladez sur les côtes pour le plaisir ... non mais vous parlez d'une idée de con !

Je devrais le savoir, ça pourtant, que quand on est chevalier, qu'on a un minimum de temps a perdre et qu'on a un code de l'honneur à respecter, et ben KABOOM, des ennuis vous tombe sur le coin du museau sans que vous n'ayez rien demander, au point où c'en est presque systématique. La dernière fois, c'était pendant un bivouac sur le coin d'une route, à l'ombre d'un chêne. J'était tranquille, je venais de copieusement casser la croûte à grand coup de saucisson, de pain et de lards, et l'ombre d'un chêne m'invitait à faire une sieste à son pied. Eh ben non ! Une bande de détrousseur à la petite semaine qui se pointe pendant que je dors et qui me fauche ma bourse. Encore, si ces boulets avaient été discrets, j'en m'en serrait aperçu bien des heures plus tard, mais ces niquedouilles trouvèrent le moyen de se mélanger les saucisses en se prenant les pieds dans les gamelles de mon pique-nique. Résultat, trois heures de course-poursuite à travers les bois, bataille à grand coup de baffes - n'ayant plus d'épée ni d'armure depuis quelques semaines - convoyage de prisonniers et tout ça pour une malheureuse petite bourse. Et même la fois d'avant ! Un petit village dans le nord, un bon gros festin la veille, le matin, faut que je reprenne la route, tout du moins jusqu'à ce qu'un poulet géant mangeur d'homme et crachant des flammes décide de venir mettre un peu d'ambiance ...

Je sais pas si il y a un saint patron des aventuriers là-haut, mais vraiment, il avait si peur que ça je m'ennuie à flâner innocemment sur ce bord de falaise au point de me mettre un type en détresse à sauver ?

Pourtant, là non plus, je ne faisais rien de mal. J'essayais de me reposer, de prendre du recul et de faire un petit break avant de retourner jusqu'à Milkauln. J'était passé par les collines dans l'espoir d'apercevoir le haut des tours de Fort-les-Confins, vu qu'on en était tout prêt, puis au détour d'un petit bois, je me suis mis à la chasse de quelques fraises sauvages pas trop farouches, histoire de caler un petit creux (c'est que l'air frais, ça creuse !). Et je m'était retrouvé sur la côte de pierre, cette majestueuse falaise, celle surplombant fièrement la mer d'une haute couche de roche, celle qui culminait si haut au dessus des ondes que les bateaux avaient l'air de simples coquilles de noix au large, celle qui ... Attendez voir, c'était pas un cri, ça ?

Et me voilà agrippé aux racines d'un vieil arbre poussant tout a bord de la falaise, tentant désespéramment d’attraper le bras d'un inconnu pour lui éviter une mort certaine au milieu des rochers, une bonne vingtaine de mètres plus bas, tout en essayant de conserver un certain équilibre pour ne pas tomber à mon tour ...

... Quoique moi, d'une manière ou d'une autre, j'y survivrais, à cette chute.

Il avait déjà été décrit que Shade n’aimait pas la chaleur. Il avait déjà été cite qu’il n’avait plus rien à désirer en ce monde. Et pourtant, il était encore là, dans la région d’Enthopi, là ou la neige ne semblait n’être jamais tombée. Il remontait doucement vers les terres du nord, là ou sa tristesse prenait ses racines, là ou Hanna ne devait sans doute avoir perdu tout souvenirs de l’homme. Alors à présent, tout ce qu’il pouvait faire, n’était que d’oublier tout cela, que de trouver pourquoi sa mère l’avait mis au monde. Car ce monde, lui, ne semblais pas désirer lui offrir une place quelconque. La mer qui se jetait en avance et venait lécher les bords de la falaises sur laquelle la mage avait pose ses pieds, l’aurait à coup dévorée, brisant ses os avec une facilité hors du commun. Un rictus déforma ses lèvres et il se racla la gorge comme pour éloigner toutes pensées absurdes de son esprit. Shade savait très bien quelle sort lui était réservé si jamais il glissait, si jamais le vent qui fouettait sa peau décidait de l’offrir à la mer : son corps irait alors se loger au fond de l’eau, venant déranger le calme habituel de ces fonds marins. Le mage ne savait pas nager. Peu importe. Shade grâce au service rendu à une jeune femme dont jamais elle ne lui avait révélé son nom aurait pu se permettre de monter à bord d’un de ces navires qu’il apercevait encore à l’horizon, mais sans vraiment savoir pourquoi, il ne tenait pas à dépenser cet or. A vrai dire, il avait bien trop peur de l’avenir pour se permettre de satisfaire quelques désirs puérils. Il rejeta sa capuche en arrière, le protégeant jusqu’alors de la morsure du vent et inspira une goulée d’air. Il sentit le sel, le sable… Que faire ? Toute sa vie ne semblait se résumer qu’à une seule question, celle-ci.

Et il tomba. Sans vraiment se remémorer la raison. Quelqu’un poussa un cri, bien plus proche qu’il ne l’aurait cru. Il ne réalisa que lorsque ses mains cherchèrent à retenir son corps que ce son-là était sortit de sa propre bouche, ayant réussit à franchir ses lèvres sans que lui même ne s’en soit aperçut. Ses doigts semblaient figé, agrippé à un simple morceau de pierre, comme si, l’instinct de Shade lui avait permis de rester en vie. Lui, était née au pied de ces montagnes, celle qui était toujours prise dans les tempêtes de neiges incessantes. Il n’aurait aucun mal à remonter, tant que la voie lui offrait de quoi y arrive, tant que son corps ne se séparait pas cette falaise. Ayant réparé une fissure, il exécuta un verrou de main, visiblement déterminé à ne pas mourir aujourd’hui, à ne pas laisser son corps se perdre dans les vagues. Il rit nerveusement et inspecta le rocher. Il n’avait malheureusement jamais grimpé à vue. Le mage ne réalisa donc qu’à ce moment la main qu’on lui tendait – ou du moins, qu’on essayait de lui tendre.

“ – Vous allez tomber. “ dit-il stupidement, oubliant sa position.

Mais, le plus stable dans toute cette histoire, était sans doute cet homme, dont le soleil empêchait à Shade de découvrir le visage avec précision. La seule chose qui le préoccupait pour le moment, était bien cet inconnu, qui avait pris des risques pour venir le sauver, oh bien sûr, il ne s’en sortirais sans doute jamais seul, mais le problème n’était pas là. Pourquoi risquer sa vie pour quelqu’un que l’on n’avait jamais vu ? Shade n’aurait jamais permis cela. Si bien qu’il se contenta de rester là ou il était, ajustant ses appuis afin de dissuader cet homme de lui apporter de l’aide.

J'avais beau m'étendre au possible, couché sur ce rebord de falaise à tendre le bras, il restait bien un bon mètre qui nous séparait l'un de l'autre. Il allait falloir trouver mieux, ou au pire, que je descende moi même le long de la paroi rocheuse pour le tirer vers le haut. Et réflexion faites, il n'y avait rien d'autre à tenter.

Jouant ainsi les acrobates, je préparais ma descente d'un pied hésitant et peu assuré. Il faut dire aussi que la grimpette n'avait jamais été mon passe-temps favori, d'autant que là, c'était de descendre sur une pente a pic sans corde ni aucune sécurité qu'il s'agissait. Peut être une broutille pour certains, mais dans mon cas, cela se révélait aussi ardu que de sculpter un plan détaillé de Bharkan sur un grain de riz. Pas à pas - si je puis dire - je cherchais mes marques, tâtant plusieurs fois chaque morceaux de rochers avant de prendre appuis dessus. La situation avait beau être périlleuse, ce n'était pas en se précipitant que les choses risquaient de s'arranger. Au moindre faux pas, c'était la chute, et vu notre position l'un vis à vis de l'autre, si je tombais, je risquais de l'emmener avec moi.
Finalement, j'arrivais enfin à portée de main. Tout ce qu'il lui restait à faire, c'était de grimper de quelques centimètres, de tendre la sienne, et je pourrais tant bien que mal le hisser vers son salut. Ou me laisser entraîner par son poids, afin de tomber tout les deux. A voir.

"- J'ai largement plus de chance de survie que toi si je tombe ! Donne moi ta main !"

La falaise ne devait faire qu'une vingtaine de mètre tout au plus. Dans le pire des cas, tout ce que je risquais, c'était de me briser quelques os, la colonne entière peut être, voir de mourir. Bah, je m'en relèverais tôt ou tard. Si c'était ce type qui tombait, à part bien sur si il possédait un pouvoir et que ce dernier était similaire au miens, eh bien ... L'état de mort serait légèrement plus "définitif". Et je ne préférais pas trop tabler sur le pourcentage de chance qu'il soit lui aussi doté d'un pouvoir de guérison. C'était toujours quelque chose que je pourrais tirer au clair après l'avoir tiré de ce mauvais pas. Ça et la raison pour laquelle il s'y était retrouvé, dans ce mauvais pas.

Et Shade s'en retrouva bien embêté. Des deux personnes qui se trouvait ici, il était celui qui était le plus stable. A vrai dire, tant que cette pierre lui permettait de l'enlacer ainsi, rien ne se passerais. Tant que le vent qui faisait claquer ses vêtements ne décidait de le déloger de cette falaise. Il se mordit la lèvre inférieure, regardant cet inconnu descendre le rejoindre, comme désireux de courir le danger que représentait ses actions. La mage jura contre ce pouvoir que lui avait donné le ciel. D'ailleurs, il aurait préféré ne pas en avoir du tout, devenir un simple civil, sans plus. Il en venait parfois au fait, que la plus belle mort qu'il aurait pu espérer, aurait été apportée par la main de son géniteur. Tout cela était pourtant impossible. Shade décida pourtant de progresser sur cette falaise. Il oublia l'homme qui se tenait au dessus de lui, tout comme il oublia la mer qui menaçait de l'engloutir vivant à chaque fois que ses doigts ne trouvaient plus de nouvelles prises.

"- J'ai largement plus de chance de survie que toi si je tombe ! Donne moi ta main !"

Sa voix n'était qu'un son parmi les autres, incapable même de l'atteindre. Sans doute même la voix de son amante ne l'aurait pu. Sa vie était en jeu. La vie qu'il avait toujours voulu préserver sans même savoir pourquoi. Une main tendue. Oui, il lui tendait une main, cet inconnu dont Shade ne savait quoi penser. Lui, aimait les contacts, il vivait pour cela, il vivait pour que les regards se posent sur lui, et maintenant que cet homme faisait de même, le mage ne s'en sentait qu'honteux. Sans doute était-ce la condition, sans doute n'était-ce que la personne, ce qu'il en voyait, ses actes. Oui, Shade n'avait jamais aimé aider les autres, leur tendre cette même main qu'on lui tendait à présent. Shade, lui, détestait tout cela, tout comme il avait horreur d'avoir l'accès à ce qu'il répugnait donner. Alors, qu'aurait-il du faire ? Gouter à la chaleur d'une main agrippait la sienne ou renoncer à toute aide, laissant le destin décider de son sort. Il se demanda alors, ce qui aurait pu se passer s'il l'avait retenue, elle, jeune femme aux cheveux aussi noire que de l'encre, au regard si exaltant. Survie hein ? L'homme aux regard doré passa sa langue sur ses lèvres sèches, se demandant alors ce qu'il se passerait. Peu importe après tout, à ce stade, il n'avait plus à se soucier des conséquences. Il se contenta de remonter à la hauteur de cette aide qui lui était offerte, de la saisir. ce fut alors, son regard qui se posa sur celui de l'inconnu, non l'inverse, son attention qu'il porta sur lui, comme captivé par la silhouette que ses yeux lui permettait d'admirer. Il se contenta de détourner son regard, comme si le regarder trop longtemps lui aurait fait perdre la vue, resserrant son emprise sur sa main, sans doute trop, mais peu importe, cela aurait passé pour de la peur. Non de... l'admiration ? Et maintenant ? Shade avait toujours remontée ses pistes de lui même, sans aucune aide, il ne savait que faire, il ne savait s'il devait le laisser le guider, trop épuisé pour pouvoir se résoudre à y réfléchir. Pour quelqu'un comme lui qui n'avait pas connu le monde depuis sa tendre enfance, tout lui paraissait si difficile, surtout en ce qui concernait la façon de pensées d'autres êtres humains. La sienne était brouillée, trop brouillée pour pouvoir se résoudre à comprendre celle des autres. Le mage indépendant se contenta seulement d'adresser un maigre sourire qui se voulait courtois à son sauveur, à l'homme à la main tendue. Alors, sans même qu'il ne puisse retenir ses mots, il mentit. Il mentit comme jamais il ne l'avait fait, comme pour essayer de garder une contenance, malgré que tout cela soit stupide.

" - C'est uniquement parce que je n'ai pas le choix... "

Il fit l'erreur de regarder à ses pieds, de regarder cette mer qui ne demandait qu'à lui briser les os, à l'emporter avec elle, loin, plus loin même qu'il ne l'aurait sans douté pensé. Shade se cramponna du mieux qu'il pouvait aux prises que la falaises lui offrait, essayant de se stabiliser du mieux qu'il le pouvait.