Ouvrez grand les yeux, vous qui avez la chance d'en avoir deux, et regardez par delà les lignes. Vous avez devant vous votre serviteur : Vadeem Echowick, c'est moi-même. Je pense être suffisamment porté sur l'introspection pour pouvoir me présenter à vous d'une manière tout à fait correcte. Installez vous confortablement. Vous êtes prêt ? Allons-y.

Imaginez : voici que je m'approche. Ce que vous remarquerez chez moi, au premier abord, seront invariablement ces trois choses : mes cheveux, le bandeau couvrant mon oeil droit, et éventuellement ma grande taille. Il est bon de préciser que je voue un véritable culte à ma chevelure rousse. Incapable de me décider à la couper, je laisse mes mèches s'ébattre gaiement jusqu'au bas de mes omoplates, me contentant de tailler évasivement dans l'avant de ma tignasse quand celle-ci vient à gêner ma vision. Ensuite, ce bandeau. Il suscite mille questions que vous n'aurez pas toujours l'audace de poser, mais... ma foi, c'est une autre histoire que je me ferais une joie de vous raconter très prochainement —ce qui sera pour vous une chance inouïe, il faut savoir que je me plais à imaginer des histoires abracadabrantesques pour justifier la perte de la jumelle de ma précieuse pupille restante. Le fait est que ce bandeau gêne mon interlocuteur, trouble la symétrie de mon visage et a le don de capter les regards, quelle ironie ! J'avoue que je tire un certain plaisir, probablement assez malsain, à surprendre ces oeillades incessantes ciblant mon oeil aveugle. Pour compléter la liste des choses qui font de moi une personne aisément remarquable, mentionnons ce mètre quatre-vingt-quatorze. On peut dire que je suis grand. C'est grave, docteur ? Ma stature ne me dérange absolument pas : je sais être imposant sans être une armoire à glace, bien que je sois loin d'être un gringalet. Je vais vous faire une confession : je me trouve plutôt beau garçon. 

On me reproche d'ailleurs assez régulièrement mon tempérament de séducteur. Est-ce que j'attend vraiment quelque chose de ces demoiselles et de ces messieurs à qui je lance des oeillades suggestives ? Pas réellement. La réalité est que je ne peux pas vraiment m'en empêcher : une fois qu'on y a goûté, on se prend très facilement au jeu de la séduction. Pour tout vous dire, j'ai toujours été d'un naturel joueur et insouciant, presque téméraire. J'ai une incapacité chronique à garder mon sérieux et c'est le sourire aux lèvres que je fais face aux pires des situations. Je suis d'avis que si on ne peut plus rire de tout, la vie en finira par prendre un tour atroce... Ainsi, je peux sembler moqueur, narquois, naïf ou tout simplement bête, mais il n'en est rien. J'aimerais que tout le monde puisse avoir cette faculté de garder le sourire ; vous devriez essayer, c'est excellent pour le moral. Mon sourire m'aide à maquiller mes peines comme mes colères, aussi ma réputation d'éternel optimiste a-t-elle tendance à me précéder : je suis Vadeem, ce type qui sourit tout le temps, une cigarette en travers des lèvres. Parlons-en, de la cigarette. Je ne sais plus exactement quand je suis tombé là dedans, mais j'aurais bien du mal à me passer de ce baiser mortel que fait le tabac à mes poumons. Vadeem, le type qui sourit tout le temps, alors. Est-ce que ça veut dire que je suis heureux ? Je n'en sais trop rien. Je me suis habitué à sourire par confort, finalement, et peut-être que je suis tout simplement resté bloqué avec ce rictus. Au fond... oui, au fond de moi, la mécanique est beaucoup plus complexe. Je suis souvent rattrapé par une sorte de mélancolie torve, qui me poursuit dans mes songes, dans les rues de la ville, au milieu des fêtes que je fréquente assidûment en quête d'un peu de distraction. Elle se camoufle derrière mon sourire, tellement bien cachée que moi même je ne saurais dire quand elle est vraiment là : peut-être qu'elle ne me quitte jamais vraiment. Je combats le blues avec ce sourire de cire, à grands coups de mauvaises blagues et d'autodérision. Quand j'ai besoin de solitude, ce qui m'arrive plus souvent que je ne voudrais bien le croire, je m'abrite dans les rayonnages poussiéreux d'une bibliothèque, et je lis à m'en rendre aveugle. Ou je marche, car j'aime me perdre tout en sachant que je finirais bien, bon gré, mal gré, par retrouver mon chemin. Oui, parfois je suis triste. Mais personne ne le voit, et je ne m'en plains pas. La plupart du temps cependant, j'adore les gens. Je suis toujours partant pour faire de nouvelles rencontres, je pense être capable de me lier d'amitié avec n'importe qui... Du moment que cette personne est capable de supporter mon tempérament insouciant, fêtard, collant, ainsi que mes divagations diverses et variées. Les gens me demandent régulièrement si je suis sous l'emprise de mon propre pouvoir. Cela m'arrive parfois en effet, mais la plupart du temps je suis absolument clean. Comprenez que j'ai cet air complètement déluré et déconnecté naturellement. Oh, j'en ai parfaitement conscience, mais ça ne me dérange pas outre mesure. J'ai toujours été un petit peu dans la lune, m'abandonnant volontiers à toutes les rêveries qui s'offrent à moi. Je ne parviens à être concentré à cent pour cent que lorsque je combat. C'est en quelque sorte ma part d'ombre : j'adore me battre, j'adore l'excitation qui s'empare de moi alors que s'engage le corps à corps. Je n'ai pas peur de me battre "comme un homme", sans l'aide de mon pouvoir... Sauf bien sûr si mon adversaire fait usage du sien... Ou qu'il s'avère un petit peu trop coriace. Dans ce cas là, je n'ai aucune pitié, tous les coups sont permis.